1 / Parfum médiateur vers un ailleurs
“La fumée des parfums monta, avec les prières des saints, de la main de l’ange devant dieu.”21
Aborder la spatialité du parfum en débutant par son étude dans le contexte liturgique peut paraître à première vue éloigné de la Haute-Parfumerie. Pourtant, comme nous l’avons vu en première partie de ce mémoire, l’étymologie même du mot “parfum” renvoie à cette dimension sacrée et divine. En effet, quelles ne sont pas les religions qui ne font appel aux fragrances dans leurs rituels ? La capacité de diffusion, d’évaporation, d’immatérialité du parfum génère une forme de fascination chez les croyants, pour qui la fragrance symbolise une forme d’élévation et d’accord avec le monde divin.
“L’odeur de l’église peut créer en nous le désir de se poser et de se recueillir. Une église ouverte et aérée, silencieuse, baignée d’une douce lumière, où l’effluve subtil d’un bouquet de fleurs apporte une touche de couleur et de saveur et où un papillon viendra emplir l’espace sera toujours plus propice au ravissement, à la rêverie et à la prière”21. Si nous nous recentrons sur la liturgie chrétienne, nous remarquons, comme nous le dit ici l’évêque Victor Benz, qu’une importance toute particulière est donnée aux senteurs dans le rituel religieux. Le parfum, qu’il soit encens ou fleur, transcende le monde réel pour amener les fidèles à la contemplation et à la méditation. Ce point est intéressant à relever, car nous constatons que la liturgie considère la fragrance comme l’un des objets les plus à même de nous relier à Dieu et de représenter sa présence sur Terre.
© Lise Mathieu-Manuel
Dans le déroulé d’une cérémonie chrétienne, cette incarnation de la présence divine est assez explicite à travers l’usage de l’encensoir. En effet, précédant le don de l’hostie, les enfants de chœur propagent vers les croyants, dans un mouvement lent de balancier, la fumée de l’encens. Cette action a ici pour signification, en premier lieu, de purifier les fidèles, mais aussi de permettre un contact symbolique avec le divin. Il faut également noter que la préparation de l’encensoir constitue un acte extrêmement codifié et symbolique qui témoigne de la préciosité du parfum dans ce contexte. En effet, si les enfants de cœur préparent le charbon combustible, ce sera le prêtre uniquement qui y introduira l’encens odorant. Le parfum représente dans ce cas, après l’hostie, ce qu’il peut avoir de plus divin dans le monde physique et qui ne peut être préparé que par un membre du corps religieux.
Le parfum semble alors, dans ce contexte sacré, prendre un statut véritablement spirituel et se rapprocher ainsi d’une élévation proprement esthétique. En effet, représenter la présence du Christ parmi les hommes est un rôle éminemment supérieur qui dépasse sans conteste la part purement sensorielle du parfum et de l’olfaction.
Cependant, cette conception vaut pour le cas où l’on considère que la fragrance diffusée dans la liturgie est bien en elle-même ce qui représente le divin. Or, on ne peut affirmer de façon certaine que ce soit véritablement le cas ici. En effet, l’usage de l’encens sert effectivement à amener les croyants vers un accueil spirituel et demeure ainsi dans un rôle de passeur vers le monde divin. La fragrance reste alors un vecteur pour accéder à l’au-delà et ne constitue pas en elle-même ce qui est divin.
2 / Parfum porteur d’histoires
a- Raconter un lieu
Plongeons-nous à présent davantage dans la mise en espace du parfum. Étonnamment, malgré cette apparente incapacité à être le sujet premier d'un rituel ou d’une expérience sensorielle, on remarque un intérêt croissant ces dernières années, dans le domaine culturel, pour le sujet olfactif. En effet, nombreuses sont les expositions prenant pour titre le parfum et recherchant une forme de sensorialité singulière dans l’expérience de visite.
Prenons par exemple le cas de la récente exposition Sentience, écouter le parfum de la couleur, qui s’est tenue du 29 mars au 3 septembre 2024 à l’abbaye de Maubuisson dans le Val d’Oise. Cette exposition prenait pour point de départ l’olfaction et invitait le spectateur à vivre un “parcours-expérience, à travers des conversations synesthésiques entre les œuvres au fil des époques et des cultures”23 comme le soutenait la commissaire.
Cette dernière, Marie Menestrier, a effectivement choisi pour titre le mot Sentience, signifiant littéralement “ressentant” ou “être à l’écoute de ses émotions”, titre ambitieux puisque visant à faire dialoguer odorat, ouïe et vue. De plus, le sous-titre de l’exposition Écouter le parfum de la couleur revient, lui, sur l’importance du terme “sentir” dans la tradition japonaise, pouvant se traduire par l’idée de “sentir la profusion de la beauté de la couleur dans le paysage”. L’intérêt pour le parfum en tant que tel semble donc central dans cette exposition, qui donne la part belle à la réceptivité olfactive. En effet, le parcours d’exposition proposait un dialogue entre éléments archéologiques, provenant du site de l’abbaye, et œuvres contemporaines, mettant l’accent sur la dimension olfactive. On y retrouvait ainsi des œuvres picturales de la plasticienne Daniela Busarello, utilisant des plantes odorantes provenant du jardin de l’Abbaye réduites en pigments et formant des tableaux abstraits émanant une odeur particulière. Tout au long du parcours étaient disséminées des œuvres odorantes, côtoyant sculptures, installations et tableaux, permettant la stimulation de nos sens visuel, auditif et olfactif.
Dans le cas de Sentience, le parfum tient sans conteste une place importante, sans pour autant être l’unique objet de l’exposition. En effet, nous sommes en présence d’une expérience polysensorielle mettant en valeur la confrontation de nos sens ainsi que le rapport archéologie, art contemporain et histoire de l’usage des parfums au sein d’une abbaye. Le traitement de la fragrance est donc ici intrinsèquement relié à son histoire dans ce lieu précis et ne peut être vécu sans l’intermédiaire de nos autres sens. De plus, on peut également noter l’importance donnée à la restitution visuelle des quelques œuvres olfactives présentes dans cette exposition, amenant finalement nos sens visuel et olfactif à rivaliser plutôt qu’à s’accorder.
b - Raconter une culture
Nous pouvons également citer, dans la même lignée, l’exposition Parfum d’Orient à l’Institut du Monde arabe en 2024, retraçant l’importance et l’usage des parfums dans les civilisations arabes d’hier et d’aujourd’hui. Le titre même de l’exposition prenait pour sujet le parfum et tentait d’incarner ce thème à travers diverses œuvres et dispositifs émanant d’une odeur spécifiquement orientale. Parfums d’Orient annonçait donc d’emblée son intention de susciter chez le visiteur non seulement sa vue, mais aussi son odorat. Une belle perspective pour la valorisation de la place du parfum au sein d’un lieu culturel. L’exposition faisait même appel au concours d’un nez, Christopher Sheldrake, ainsi qu’à une agence de design sensoriel, le Studio Magique, pour développer des fragrances et des dispositifs de monstrations qui soient au plus près de la réalité des senteurs orientales.
L’expérience de visite rendait ainsi hommage aux traditions et aux usages du parfum au Moyen-Orient, tout en rattachant le parfum à une époque et à une civilisation spécifiques. Ce faisant, le souvenir de visite était alors davantage visuel qu’olfactif, de par la forte présence visuelle des objets à parfums qui éclipsaient en quelque sorte ce qui nous était donné à sentir. Comme nous l’avons vu avec Sentience, le contexte prend ainsi le pas sur le parfum qui se trouve presque prétexte à l’exposition d’objets historiques, de photographies, ou encore de reconstitutions d’univers particuliers comme celui d’une tannerie marocaine. La forte esthétique visuelle des dispositifs olfactifs
eux-mêmes vient également contredire cette recherche d’attention à la fragrance orientale par un panel de gestes et d’effets provoqués par ces diffuseurs.
Nous retrouvons donc dans ces exemples cette curiosité et cette volonté d’exposer la fragrance. Cette visée s’incarne, non pas dans une monstration s’intéressant aux caractères profondément olfactifs du parfum, mais par la contextualisation de celui-ci, à travers son histoire ou son lien à une époque particulière.
c - Raconter notre culture olfactive
À l’échelle du design, nous observons également une recherche et une innovation croissante pour la démocratisation de la dimension olfactive dans nos vies et notre quotidien. Cet attrait pour ce sens est particulièrement mis en lumière dans l’exposition Living with Scents du Museum of Craft and Design de San Francisco en 2022, rassemblant les créateurs ayant pensé les nouveaux usages que génèrent l’olfaction.
“En considérant les interactions entre les esprits, les corps et les choses, ils médiatisent les odeurs de manière innovante pour susciter une forme de nouvelle conscience sensorielle.” 24 La commissaire de l’exposition Clara Muller avait souhaité concentrer le parcours de visite sur “les objets, pas seulement sur les produits parfumés, mais sur des interfaces créatives et astucieuses pour délivrer des parfums avec des résultats de conception variés, de l’hédonique au fonctionnel.” 25
Structurée en cinq sections, l'exposition nous montrait les différentes voies empruntées par les designers pour aborder le sens olfactif. Un thème particulièrement intéressant, dans le cadre de notre questionnement, est la première section intitulée “Ways of Sensing. Olfactory Culture and Contemplation”, que l’on pourrait traduire par “Les modes de perceptions. La culture et la contemplation olfactive”. Cette partie revient en effet sur la possible valeur esthétique et culturelle des odeurs. Parmi les objets exposés, on y retrouve L'Ascentium de la designer française Charline Ronzon-Jaricot, qui nous invite à découvrir ce que signifie réellement sentir, de manière délibérée et réfléchie. L'Ascentium est en effet conçue pour décomposer les notes olfactives d'un parfum et ainsi faire ressentir toutes les subtilités et l’évolution d’un parfum. D’autres sujets liés au parfum, comme la mémoire, l’hygiène, le bien-être, ou encore le plaisir de sentir, sont abordés, témoignant ainsi de la diversité des comportements et des gestes que nécessite une attention focalisée aux parfums et aux odeurs.
Nous parlons ici bien sûr davantage de design d’objet que de design d’exposition. Cependant, cet aparté nous montre que l'esthétisation et la contemplation olfactive semblent prendre forme à l’échelle de l’objet. Il faut néanmoins nuancer cet aspect, car le parfum ici est encore une fois relié de façon profonde à des usages précis et sert un but (curatif, mémoriel, …), il n’est pas entièrement indépendant, même si certains objets, à l’image de L’ascentium, s’approchent d’une forme de beauté olfactive. Le minimalisme visuel présent dans ce dernier objet confirme qu’une trop forte sollicitation de la vue, pour appréhender le parfum, est vouée à le trahir et à le condamner à une certaine indignité esthétique.
Nous pouvons ici légitimement nous demander si cette conscience du parfum que paraissent atteindre ces objets pourrait se transposer à l’échelle d’une mise en espace propre au design d’exposition ? La monstration du parfum peut-elle arriver à un rapport à l’olfaction aussi prégnant que nous le suggèrent ces créations ? Le caractère fluctuant, évanescent et diffusant du parfum ne pourrait-il pas s'épanouir davantage à l'échelle architecturale ? N’existe-t-il pas d’ailleurs des créateurs ayant tenté de mettre en espace et d’exposer le parfum seul, comme véritable sujet, porteur de réflexion et de beauté ?
3 / Le parfum comme entité exposé
a - Art olfactif
Tournons-nous un instant vers le domaine de l’art contemporain et du très émergeant art olfactif. Depuis les années 2000, on constate un intérêt croissant pour l’usage de l’olfaction comme médium artistique chez certains plasticiens. Cette niche dans l’art contemporain se caractérise par une collaboration entre un artiste et un parfumeur prêtant ses connaissances techniques à la vision conceptuelle du plasticien. Comme nous l’explique ici Clara Muller, historienne de l’art et spécialiste de l’olfaction : “les senteurs font partie intégrante des ressources à disposition des artistes de toutes les disciplines pour s’exprimer, pour converser avec nos esprits et nos corps, pour créer formes et récits, pour questionner le monde, ouvrir les possibles, créer la surprise et, parfois, la beauté.”.26 Selon cette dernière, les odeurs, à l’instar du pinceau de l’artiste, peuvent donner lieu à des pièces exposées dans des lieux culturels. L’odeur semble donc ici avoir une place à part entière et constituer l’unique composante de ces œuvres.
Intéressons-nous au cas particulier de l’œuvre de l’artiste canadienne Julie C. Fortier, La Chasse, datant de 2014. Œuvre fondatrice du parcours de l’artiste, ce travail, au titre énigmatique, se déploie sur une surface murale de 700 m et est composé de près de 80 000 touches à parfum. La particularité de ce travail consiste à proposer un chemin olfactif, à travers ces touches, diffusant successivement des odeurs herbeuses, puis animales et enfin de sang symbolisant la chute d’une partie de chasse. “Là où le cinéaste comme le peintre peuvent jouer du cadrage, de l'exaltation des couleurs ou de la convulsion des formes pour susciter l'intensité dramatique, Julie C. Fortier invente une forme de narration en-deçà des mots et au-delà du visible.”27 L’analyse que fait ici Clara Muller démontre bien la volonté de ces artistes d’égaler les formes picturales ou auditives artistiques et de faire de l’olfaction un pan de l’art à part entière.
Ce point de vue et cette ouverture artistique paraissent révolutionner l’objet de ce mémoire et induire une réponse positive à notre questionnement initial. En effet, nous sommes en présence “d’œuvres à sentir”, où le but est bien de donner un rôle secondaire à la vue. Toutefois, une nuance est à apporter, car, comme nous le montrent les images de cette œuvre, l’impact visuel de La Chasse demeure fort et participe profondément à son appréciation esthétique.
© Lise Mathieu-Manuel
L’exemple de l’art olfactif amène donc des champs de réflexions importants dans la recherche d’une possible esthétisation du parfum. Ces artistes ouvrent ainsi une brèche dans la conception que nous avons d’une œuvre. La volonté d’abstraire la senteur de tous codes purement sensuels est bien là et pourrait être une forme d’inspiration pertinente à explorer dans l’exposition de la parfumerie. En effet, nous sommes ici à la limite de notre sujet, car si l’olfaction est centrale et paraît s’élever au rang d’œuvre dans ce dernier exemple, nous ne parlons pas ici de parfums marqués et portés, ce qui éclipse une part importante de notre questionnement. Toute l’ambiguïté de l’esthétisation du parfum réside en effet dans cette limite ténue entre art et marque.
Finalement, ne faudrait-il pas en revenir au contexte initial de la Haute-Parfumerie et du luxe qui y est attaché ? Ce dernier, flirtant entre art et produit, pourrait bien être un lieu privilégié pour la monstration du parfum, comme unique sujet et finalement comme œuvre.
b - Le luxe, vers un parfum œuvre ?
Lorsque l’on évoque l’exposition de parfums dans le milieu du luxe, un panel de cas se présente immédiatement. Plus encore que dans le contexte muséal et culturel, le milieu du luxe semble depuis longtemps exploité sous toutes ses formes, avec les moyens de magnifier et de montrer de façon innovante ses fragrances.
Prenons le cas de l’exposition de Chanel Le Grand Numéro de Chanel au Grand Palais éphémère, datant de janvier 2023, était présenté comme “un voyage émotionnel, l’opportunité de découvrir toutes les facettes et le rôle d’un parfum.”28 Comme le décrit Thomas du Pré de Saint Maur, directeur des Ressources Créatives Parfums Beauté et Horlogerie-Joaillerie Chanel, l’événement avait pour ambition d’amener le visiteur à découvrir les spécificités et les symboles de ces fragrances sous un jour nouveau. La scénographie passait alors par le biais de divers univers ludiques et olfactifs autour des iconiques Chanel, tel qu’un questionnaire psychologique pour trouver son parfum Chanel, ou bien un éventail à parfums nous permettant de déceler les nuances olfactives du N°5, de Chance, de Bleu, ou encore de Gabrielle.
Finalement, ne faudrait-il pas en revenir au contexte initial de la Haute-Parfumerie et du luxe qui y est attaché ? Ce dernier, flirtant entre art et produit, pourrait bien être un lieu privilégié pour la monstration du parfum, comme unique sujet et finalement comme œuvre.
b - Le luxe, vers un parfum œuvre ?
Lorsque l’on évoque l’exposition de parfums dans le milieu du luxe, un panel de cas se présente immédiatement. Plus encore que dans le contexte muséal et culturel, le milieu du luxe semble depuis longtemps exploité sous toutes ses formes, avec les moyens de magnifier et de montrer de façon innovante ses fragrances.
Prenons le cas de l’exposition de Chanel Le Grand Numéro de Chanel au Grand Palais éphémère, datant de janvier 2023, était présenté comme “un voyage émotionnel, l’opportunité de découvrir toutes les facettes et le rôle d’un parfum.”28 Comme le décrit Thomas du Pré de Saint Maur, directeur des Ressources Créatives Parfums Beauté et Horlogerie-Joaillerie Chanel, l’événement avait pour ambition d’amener le visiteur à découvrir les spécificités et les symboles de ces fragrances sous un jour nouveau. La scénographie passait alors par le biais de divers univers ludiques et olfactifs autour des iconiques Chanel, tel qu’un questionnaire psychologique pour trouver son parfum Chanel, ou bien un éventail à parfums nous permettant de déceler les nuances olfactives du N°5, de Chance, de Bleu, ou encore de Gabrielle.
On peut aussi mettre l’accent sur l’événement Dior J’adore qui s'est tenu en octobre 2023 à l'École des Beaux-Arts de Paris et qui souhaitait revenir sur sa fragrance mythique : J’adore. La scénographie se voulait elle aussi la plus sensuelle possible et explorait les différentes facettes de son parfum. Le parcours se déroulait par une mise en scène tout d’abord assez habituelle du parfum consistant à présenter le savoir-faire grassois, puis se poursuivait par un travail photographique de l’univers doré de J’adore, réalisé par la photographe japonaise Yuriko Takagi et s’achevait sur le visionnage de films publicitaires autour de la célèbre fragrance. La seconde partie de l’exposition se voulait, elle, plus innovante en proposant une salle où notre sens olfactif était stimulé par la diffusion de différentes senteurs, formant le parfum J’adore. L’on se trouvait ainsi dans une salle aux murs parsemés de fleurs de papier et où nous pouvions actionner successivement des diffuseurs de chaque molécule odorante du parfum. Enfin, le parcours se clôturait par la découverte de l’iconique parfum et de son flacon, présentés dans une installation faite d’une “cascade d’or” semblant être le jus lui-même du parfum s’échappant de la fragrance.
Comme on le voit avec ces deux exemples, le luxe a bien à cœur de magnifier ses créations, le plus souvent par le biais d’événements aux scénographies renouvelant notre approche de leurs parfums. Toutefois, on ne peut pas non plus affirmer ici que nous atteignons une forme de monstration du parfum amenant à sa contemplation et à sa possible entrée dans la sphère esthétique. Ces expositions, comme celles précitées dans le domaine culturel, ne valorisent qu’à moitié la dimension olfactive en l’abordant à travers ses codes visuels et symboliques. Dans l’ensemble, ces exemples semblent tourner autour du sujet olfactif sans jamais parvenir à le saisir totalement.
en se confrontant à la difficulté de son immatérialité.
©Lise Mathieu-Manuel
Si ces études de cas ne peuvent nous permettre de trouver une réponse concrète à notre problème, peut-être faudrait-il alors tourner différemment notre approche et penser non pas à comment placer le parfum dans un espace, de sorte qu’il en ressorte une esthétique, mais plutôt à comment l’espace lui-même pourrait nous faire entrer en résonance avec le parfum. En effet, l’échelle de l’espace pourrait amener, plus que toute autre échelle, à intégrer le caractère fluctuant, évanescent et impalpable du parfum, grâce à ses dimensions nous dépassant, laissant libre cours à la volatilité olfactive.
La réceptivité nécessaire à la contemplation olfactive passe en effet d’abord par le lieu dans lequel nous nous trouvons. Le contexte du luxe n’est pas anodin dans ce sens, car nous nous plaçons dans un entre-deux, à la limite d’un showroom et d'une galerie d’art. En étant dans cette frontière, l’univers du luxe fait écho à l’essence de la Haute-Parfumerie rivalisant entre enjeux commerciaux et enjeux esthétiques. Ainsi, la nouvelle appréhension de l’espace que nécessiterait une reconnaissance esthétique du parfum, pourrait alors prendre forme dans cet univers précis du luxe, contenant en lui-même cet entre-deux ambigu qui fait la singularité de la Haute-Parfumerie.
22 BENZ Victor, Les cinq sens en liturgie : l’odorat Sentir, se sentir et ressentir, 2023, sur le site : https://metz.catholique.fr/wp-content/uploads/sites/19/2017/08/Les-5-sens-en-liturgie-lodorat.pdf
23 BAUWENS Malika, “Réveillez vos sens avec cette exposition olfactive gratuite dans une abbaye à 35 km de Paris”, Beaux Arts magazine, mai 2024, sur le site : https://www.beauxarts.com/expos/reveillez-vos-sens-avec-cette-expo-olfactive-gratuite-dans-une-abbaye-a-35-km-de-paris/
24 MULLER Clara, Living with scents, Museum of Craft and Design, Juin 2022, San Francisco, sur le site : https://sfmcd.org/press-living-with-scents/25 Ibid.
26 MULLER Clara, “La chasse, Julie C Fortier”, publier sur le blog La Traverse, 2014, sur le site : https://www.transverse-art.com/oeuvre/la-chasse 27 Ibid.
28 CLAVELL Anaïs, “Le Grand Numéro de Chanel : une exposition immersive à la découverte des parfums de la maison”, publié dans le Journal du Luxe, décembre 2022, sur le site : https://www.journalduluxe.fr/fr/beaute/grand-numero-chanel-exposition-immersive-parfums
Lise Mathieu-Manuel
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